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SOMMAIRE


En lecture définitive, le Gouvernement a une nouvelle fois engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale le 15 décembre dernier sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2023.

La motion de censure déposée par les députés NUPES a été rejetée. Le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité est donc considéré comme définitivement adopté, sans avoir été soumis au vote des députés, en lecture définitive à l’Assemblée nationale. Pas moins de 5 recours à l'arme constitutionnelle du 49.3 auront été nécessaires au vote définitif.

Le texte adopté va faire l’objet d’un examen devant le Conseil constitutionnel d’ici fin décembre, avant sa publication au Journal Officiel.

Vous trouverez ci-après une analyse détaillée des mesures contenues dans le projet de loi finances pour 2023 en matière de fiscalité directe.



FISCALITÉ DES ENTREPRISES

Suppression en deux temps de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) (art. 55)

La CVAE est une composante de la contribution économique territoriale (CET) due par les personnes physiques ou morales ainsi que par les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent une activité imposable à la cotisation foncière des entreprises (CFE) (i.e. activité professionnelle non salariée exercée à titre habituel) dont le chiffre d’affaires hors taxes est supérieur ou égal à 500 000 € (CGI, art. 1586 ter, CGI, art. 1447 et 1447 bis).

À noter, les entreprises dont le CA est supérieur à 152 500 € sont redevables de la CVAE (CGI, art. 1586 ter). Toutefois, l’application d’un dégrèvement prévu à l’article 1586 quater du même Code conduit en pratique à exonérer de cotisation les entreprises dont le CA est inférieur à 500 000 € (voir ci-après).

L’assiette de la CVAE est égale à la valeur ajoutée produite par l’entreprise sur une période de référence (année d'imposition ou dernier exercice de 12 mois clos au cours de cette même année lorsqu’il ne coïncide pas avec l'année civile), calculée à partir du chiffre d’affaires de la société, majoré de certains produits et diminué de certaines charges listés au 4 du I de l’articles 1586 sexies du CGI. Cette valeur ajoutée fait l’objet d’un plafonnement égal à 80 % du CA pour les entreprises dont le CA est inférieur ou égal à 7,6 M€, et à 85 % pour celles dont le CA est supérieur à ce montant.

Le taux « théorique » de la CVAE est fixé à 0,75 % (1,5 % avant l’adoption de la loi de finances pour 2021) pour tous les redevables. Toutefois, en pratique, seules les entreprises dont le CA excède 50 M€ se voient appliquer ce taux. Les entreprises dont le CA est inférieur à 50 M€, qui bénéficient d’un dégrèvement dit « barémique », se voient quant à elles appliquer des taux variables, aboutissant à une exonération pour les entreprises qui réalisent un CA inférieur à 500 000 € (voir ci-après) (CGI, art. 1586 quater, I).

La CVAE sera supprimée en deux étapes :

■    Les taux de la CVAE due par les redevables au titre de l’année 2023 seront diminués de 50 % et fixés comme suit :

 

CA HT Taux effectif pré-LF 2021 Taux effective LF 2021 Taux effective PLF 2023
CA inf. à 500 000 €

0 %

0 %

0 %

CA compris entre 500 000 € et 3 M€

0,5 % × (CA - 500 000 €)

/ 2,5 M€

0,25 % × (CA - 500 000 €)

/ 2,5 M€

0,125 % × (CA - 500 000 €)

/ 2,5 M€

CA compris entre 3 M€ et 10 M€

0,5 % + 0,9 % × (CA - 3 M€)

/ 7 M€

0,25 % + 0,45 % × (CA - 3 M€)

/ 7 M €

0,125 % + 0,225 % × (CA - 3 M€)

/ 7 M €

CA compris entre 10 M€ et 50 M€

1,4 % + 0,1 % × (CA – 10 M€)

/ 40 M€

0,7 % + 0,05 % × (CA – 10 M€)

/ 40 M€ 

0,35 % + 0,025 % × (CA – 10 M€)

/ 40 M€ 

CA sup. à 50 M€ 1,5 % 0,75 %

0,375 %

Pour l’année 2023, les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 M€ bénéficieront d’un dégrèvement de 250 € (contre 500 € en 2022) (CGI, art. 1586 quater, II). Par ailleurs, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 500 000 €, le montant de la cotisation ne pourra être inférieur à 63 € (contre 125 € en 2022).

Le taux de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA CVAE) sera augmenté pour compenser la baisse de moitié du taux de la CVAE, son montant global restera donc inchangé pour 2023 (CGI, art. 1600, II, 2°).

La diminution du taux de la CVAE va impacter la CET dont le montant est plafonné en fonction de la valeur ajoutée de chaque entreprise (définie, pour l’heure, à l’article 1586 sexies A du CGI).

Pour la CET due au titre de 2023, le taux de plafonnement, aujourd’hui fixé à 2 %, sera fixé à 1,625 % de la valeur ajoutée (CGI, art. 1647 B sexies).

Conséquences sur le calcul des acomptes 2023

Pour le paiement des acomptes de la CVAE due au titre de l’année 2023 (payés les 15 juin et 15 septembre 2023), il sera nécessaire de calculer le montant de la CVAE avec les taux actualisés.

■    En 2024, la CVAE sera purement et simplement supprimée. Les articles 1586 à 1586 nonies du CGI seront ainsi supprimés à compter du 1er janvier 2024.

Toutefois, la CFE sera plafonnée au taux de 1,25 % de la valeur ajoutée produite au cours de l’année au titre de laquelle l’imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l’année civile (CGI, art. 1647 B sexies, I bis nouveau).

Les dispositions de l’article 1586 sexies, qui définissent le chiffre d’affaires et la valeur ajoutée, seront transposées à l’article 1647 B sexies A nouveau du CGI (transposition presque à l’identique).

Cette suppression progressive de la CVAE sera compensée, pour les collectivités territoriales, par une affectation, à compter de 2023, d’une fraction de la TVA.  

D’après l’évaluation préalable réalisée par le Gouvernement, la suppression de la CVAE permettra une économie de 7,61 milliards d’euros au total en 2024. Elle bénéficiera à 530 000 entreprises environ, dont 68 % d’ETI et le secteur de l’industrie sera le premier bénéficiaire, à hauteur de plus de 25 % du gain total.

Report de la révision de la valeur locative cadastrale (art. 103)

La loi de finances pour 2021 avait reporté à 2022 la première actualisation sexennale qui devait intervenir en 2021 (i.e. renouvellement général des conseils municipaux en 2020), pour une prise en compte dans les bases d’imposition de l’année 2023 (LF 2021, art. 134).

La LF pour 2023 vient de reporter l’intégration des résultats de l’actualisation sexennale réalisée en 2022. Il en résulte une prise en compte de cette réévaluation pour l’établissement des bases d’imposition de l’année 2025. Cela diffère pour les redevables concernés une évolution trop importante de la valeur locative des locaux professionnels dès 2023.

À noter, le mécanisme de mise à jour annuel des tarifs s’appliquera aux bases d’imposition de l’année 2023.

Taux réduit d’IS à 15 % : augmentation du plafond de bénéfice imposable (art. 37)

Depuis les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2002, les petites et moyennes entreprises peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’un taux réduit de l’impôt sur les sociétés de 15 % sur les premiers 38 120 € de résultat imposable (CGI, art. 219, I, b).

A noter, pour bénéficier de ce taux, les entreprises doivent :

    ■    Réaliser un chiffre d’affaires annuel inférieur ou égal à 10 M€ (contre 7,63 M€ pour les exercices ouverts jusqu’au 1er janvier 2021 ; LF 2021, art. 18) ;

    ■    Avoir libéré l’entièreté de leur capital social à la clôture de l’exercice ; et

    ■    Être détenues à plus de 75 % par des personnes physiques.

Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2022, le taux de 15 % sera applicable sur les premiers 42 500 € de résultat. Cette modification viendra pallier l’absence d’évolution de ce montant et ainsi prendrait en compte l’inflation cumulée depuis la création du dispositif.

Prorogation du statut « Jeunes Entreprises Innovantes » et réduction de la durée de bénéfice de ce statut (art. 33)

Le statut de « Jeunes Entreprises Innovantes » (JEI) est accordé sous conditions aux PME créées depuis moins de onze ans (8 ans avant l’adoption de la loi de finances pour 2022), dont au moins 15 % des charges fiscalement déductibles de l’exercice constituent des dépenses de recherche et dont le capital est détenu à hauteur de 50 % au moins par des personnes physiques (directement ou non) (CGI, art. 44 sexies-0 A).

Deux aménagements sont instaurés.

D’une part, les avantages fiscaux (exonérations d’impôts sur les bénéfices, de taxe foncière, de contribution économique territoriale et remboursement immédiat du CIR) et de cotisations sociales aujourd’hui ouverts aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2022, sont prorogées et bénéficieront aux entreprises créées jusqu’au 31 décembre 2025.

D’autre part, la durée du statut de JEI est réduite en ce que seules les entreprises créées depuis moins de huit ans pourront en bénéficier. Cette modification sera applicable aux entreprises créées à compter du 1er janvier 2023.

Pour mémoire, la condition d’âge avait été allongée de 8 à 11 ans par la loi de finances pour 2022 (art. 11).

Cet allongement de la condition d’âge (applicable en matière d’exonération d’impôt sur les bénéfices et d’exonération des cotisations sociales) n’avait réellement d’effet qu’en matière d’IS, dès lors que l’article 131 de la LF 2004, qui accorde le bénéfice de l’exonération sociale pour une durée de 8 ans, n’avait pas été modifié par la LF 2022.

Les entreprises créées avant le 1er janvier 2023 pourront bénéficier de l’allongement de la condition d’âge pour le bénéfice de l’exonération d’impôt sur les bénéfices.

Instauration d’une Contribution de solidarité provenant des bénéfices excédentaires des secteurs des combustibles fossiles (art. 40)

A l’initiative de la Commission européenne, a été adopté un règlement intégrant un paquet de mesures visant à atténuer, à l’échelle de l’UE, de manière rapide et coordonnée, les difficultés liées aux prix élevés de l’énergie (Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie, JOUE L 261I /1 du 7 octobre 2022). Ce Règlement introduit notamment une contribution temporaire de solidarité provenant des bénéfices excédentaires des secteurs des combustibles fossiles (art. 14 à 18).

Un amendement déposé par le Gouvernement a été voté et transpose cette mesure européenne en droit interne.

Champ d’application

Seront redevables de cette contribution temporaire les personnes morales ou établissements stables exerçant une activité en France ou dont l’imposition du bénéfice est attribuée à la France par une convention fiscale et dont le chiffre d’affaires réalisé en France au titre du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022, provient, pour 75 % au moins, d’activités économiques relevant des secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage au sens du point 17 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie.

S’agissant des groupes d’intégration fiscale, la contribution sera due par chaque membre du groupe remplissant individuellement les conditions pour en être redevable.

Le traitement des redevables non soumis à l’impôt sur les sociétés en leur nom propre, mais imposés sur leurs bénéfices dans le chef de leurs associés ou membres est également prévu.

Assiette de la contribution

L’assiette de la contribution sera égale à la différence positive entre :

■    le bénéfice imposable déterminé en application des règles de droit interne du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022 et

■    120 % du quart de la somme algébrique des résultats imposables constatés au titre de l’ensemble des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018 et précédant premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022, multiplié par le rapport entre quatre ans et la durée cumulée de l’ensemble de ces exercices (ie. 120 % du montant moyen des résultats imposables déterminés en application des règles de droit interne constatés au titre de l’ensemble des exercices précédents, ouverts à compter du 1er janvier 2018).

Les résultats servant de base au calcul de cette assiette correspondront aux résultats effectivement imposés à l’impôt sur les sociétés, avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature (créances de report en arrière des déficits).

Pour les redevables membres d’un groupe fiscal intégré, les résultats à prendre en compte pour le calcul de l’assiette imposable seront ceux qui auraient été imposables en leur nom à l’impôt sur les sociétés, si ces redevables avaient été imposés séparément.

Liquidation de la contribution

La contribution sera liquidée au taux de 33 %.

Les réductions, crédits d’impôts et créances de report en arrière des déficits ne seront pas imputables sur la contribution.

La contribution devra être payée spontanément au comptable public compétent par le redevable, au plus tard le 15 du quatrième mois suivant la clôture de l'exercice et pour les exercices clos au 31 décembre, au plus tard le 15 mai de l'année suivante.

Elle est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.

Cette contribution ne sera pas déductible du résultat imposable.

Instauration d’un plafonnement temporaire des recettes excédentaires provenant de la production d’électricité à faible coût (art. 54)

A l’initiative de la Commission européenne, a été adopté un règlement intégrant un paquet de mesures visant à atténuer, à l’échelle de l’UE, de manière rapide et coordonnée, les difficultés liées aux prix élevés de l’énergie (Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie, JOUE L 261I /1 du 7 octobre 2022). Ce Règlement introduit notamment le plafonnement temporaire des recettes excédentaires provenant de la production d’électricité à faible coût (art. 6 à 11).  Une contribution temporaire sur la rente inframarginale de la production d’électricité a été instaurée, à l'initiative du Gouvernement, transposant en droit interne cette mesure.

Des mécanismes permettant de plafonner les revenus des producteurs infra-marginaux d’électricité existent déjà en droit interne via des dispositifs de soutien à la production d’énergies renouvelables (EnR). La transposition de la contribution temporaire décidée au niveau européen vise à cibler les recettes exceptionnelles des producteurs du seul fait de l’augmentation considérable et sans équivalent historique des prix de gros de l’électricité sur le marché européen de l’énergie. Les recettes de cette contribution ont vocation à alléger l’augmentation des factures d’électricité des petites et moyennes entreprises (PME) dans le cadre du dispositif dit d’ « amortisseur » des prix de l’électricité (LF 2023, art. 181).

Champ d’application :

Cette contribution temporaire s’applique sur la rente inframarginale dégagée par l’exploitation d’une installation de production d’électricité qui (i) est située sur le territoire métropolitain, (ii) dont la technologie de production ne repose pas sur certains processus limitativement énumérés (i.e. transformation d’énergie hydraulique sous certaines conditions, production au moyen d’installations pilotables rapidement sollicitables, production combinée de chaleur et d’électricité au moyen de gaz naturel par une installation relevant d’un regroupement d’installations sous certaines conditions, combustion de certains gaz et combustibles), (iii) qui ne constitue pas une installation de stockage et (iv) qui n’approvisionne pas un petit réseau isolé ou connecté.

À noter, les installations exploitées par une entreprise pour laquelle la puissance installée cumulée des installations de production d’électricité ne dépasse pas 1 MW sont exemptées de contribution.

Fait générateur :

Le fait générateur de la contribution est constitué par la production d’électricité au moyen d’une installation éligible pendant l’une des trois périodes de taxation , s’étalant entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023 (01/07/2022 - 30/11/2022 ; 01/12/2022 - 30/06/2023 ; 01/07/2023 - 31/12/2023). Il intervient, pour chacune de ces périodes, à l’achèvement de l’année civile au cours de laquelle intervient son terme.

Calcul de la contribution :

La contribution est égale, pour chaque période de taxation, à la fraction des revenus de marché de l’exploitant de l’installation excédant un seuil forfaitaire, après application d’un abattement de 10 %. Cette fraction est égale à la marge forfaitaire, définie comme la différence entre :

(i)    la somme des revenus de marché perçus par le producteur définis selon certaines modalités (certains revenus sont expressément exclus) et

(ii)  un forfait égal - sous réserve de certains ajustements - au produit entre

a.      les quantités produites ayant généré les revenus de marché et

b.     le seuil unitaire indiqué dans le tableau suivant, exprimé en euros par mégawattheure et déterminé en fonction de la technologie de production et, le cas échéant, de la puissance électrique de l’installation exprimée en mégawatts

 

Technologie de production Puissance électrique installée (en mégawatts) Seuil unitaire (en euros par mégawattheure)
Nucléaire N/A 90
Eolien N/A 100
Hydraulique

Inférieur à 0,5

140
De 0,5 à 2,5 100
Supérieur à 2,5 80
Traitement thermique des déchets N/A 145
Combustion de biogaz N/A 175
Combustion de gaz naturel N/A 40

Combustion de biomasse

N/A 130
Production combinée de chaleur et d’électricité au moyen de la combustion de gaz naturel ou de biomasse Inférieure à 12 110
De 12 à 100 85
Supérieur à 100 60
Autres N/A 100

À noter, le montant de la contribution est évalué séparément sur chacune des périodes de taxation.

À noter, les dispositions régissant cette contribution comportent de nombreuses spécificités et modalités de calcul non détaillées ici, qui rendent le champ de la contribution et son calcul complexes. Aussi, une étude attentive et approfondie de ces dispositions et de la situation de fait en cause est nécessaire.

Cette contribution est déductible du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés.

Extension du champ d’application du dispositif d’étalement des subventions publiques (art. 32 et 65)

Sont éligibles aux dispositifs d’étalement des subventions publiques pour la détermination du résultat imposable prévus aux articles 42 septies et 236 du CGI, les subventions d'équipement accordées à une entreprise par l'Union européenne, l'Etat, les collectivités publiques ou tout autre organisme public (CGI, art. 42 septies, 1) ainsi que les subventions allouées aux entreprises par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics spécialisés dans l'aide à la recherche scientifique ou technique (CGI, art. 236, I bis).

Actualisation et harmonisation des dispositifs d’étalement des subventions publiques pour la détermination du résultat imposable prévus aux articles 42 septies et 236 du CGI (art. 32)

Le dispositif de l’article 236 du CGI (subventions accordées au titre du financement de dépenses de fonctionnement exposées dans des opérations de R&D) est étendu aux subventions allouées par l’UE, afin de mettre son champ d’application en cohérence avec celui prévu à l’article 42 septies du CGI (subventions d’équipements).

Par ailleurs, les subventions versées par des organismes créés par les institutions de l’UE seront également éligibles aux deux dispositifs (cette modification permet d’aligner le dispositif avec la pratique actuelle, selon laquelle les subventions ne sont pas versées directement par les institutions de l’UE, mais par des organismes ad hoc).

En l’absence de précisions quant à l’entrée en vigueur de la mesure, celle-ci s’applique à l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2022.

Possibilité d’étaler l’imposition des sommes reçues dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie (art. 65)

En l’absence de régime fiscal dérogatoire, les aides financières versées dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) sont imposables au titre de leur exercice d’attribution, selon les conditions du droit commun (voir en ce sens, Rép. min. Menonville, n° 21138 : JO Sénat, 07 octobre 2021, p. 5769).

Pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2022, le dispositif d’étalement, sur option, de l’imposition des subventions d’équipement est étendu à l’imposition des sommes perçues en raison d’opérations permettant la réalisation d’économies d’énergie ouvrant droit à l’attribution de CEE, lorsqu’elles sont affectées à la création ou à l’acquisition de biens d’équipement.

Aménagement du régime fiscal des grands événements sportifs (art. 29)

L’organisation de compétitions internationales récentes a conduit à la mise en œuvre d’un cadre fiscal favorable temporaire, visant à promouvoir l’attractivité de la France, codifié à l’article 1655 septies du CGI – qui assure l’exonération des organismes chargé de l’organisation des compétitions et leurs filiales.

Ainsi pour les compétitions pour lesquelles la décision d'attribution à la France est intervenue avant le 31 décembre 2017, les organismes chargés de l'organisation en France d'une compétition sportive internationale et, le cas échéant, les filiales de ces organismes (au sens de l'article L. 233-1 du Code de commerce) ne sont pas redevables :

■    à raison des bénéfices réalisés en France et des revenus de source française versés ou perçus, lorsque ces bénéfices et ces revenus sont directement liés à l'organisation de la compétition sportive internationale, de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, des retenues à la source prévues à l'article 119 bis du CGI et aux b et c du I de l'article 182 B ;

■    à raison des rémunérations versées aux salariés de l'organisme et des sociétés précitées, lorsque les fonctions exercées par ces salariés sont directement liées à l'organisation de la compétition sportive internationale, de la taxe sur les salaires, de la cotisation perçue au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction (CGI, art. 235 bis) et des contributions mentionnées aux 2° et 3° du I de l'article L. 6131-1 du code du travail.

Ce régime fiscal est pérennisé pour les compétitions pour lesquelles la décision d’attribution à la France est intervenue à compter du 1er janvier 2022.

Deux aménagements sont instaurés :

■    l’extension du champ d’application du régime aux sous-filiales des organismes précités et

■    une rationalisation de l’exonération de retenue à la source afin qu’elle ne bénéficie pas aux entreprises tierces (l’exonération ne s’appliquera qu’aux rémunérations de prestations de services, redevances et distributions perçues par les organisateurs de la compétition, à l’exclusion des sommes qu’ils versent à des prestataires ou actionnaires non-résidents n’ayant pas la qualité d’organisateur).  

Par ailleurs, afin de prévenir les situations de double imposition, les personnes physiques présentes en France aux seules fins de participer aux Jeux Olympiques ou Paralympiques de Paris de 2024 ou à des activités directement liées à leur organisation et qui sont domiciliées fiscalement dans un Etat n’ayant pas conclu avec la France de convention fiscale bilatérale, pourront bénéficier, sur réclamation, d’un dégrèvement d’impôt sur le revenu pour les rémunérations perçues et les revenus générés dans le cadre de la participation sportive ou de l’exercice d’activités en lien direct avec l’organisation des Jeux.

Création d'une franchise d'impôt pour les captives de réassurance (art. 6)

Afin d’améliorer la couverture assurancielle des entreprises françaises, est instaurée une provision spécifique, déductible du résultat fiscal, facilitant la constitution de captives de réassurance, inspirée du régime des provisions pour égalisation de droit interne mais reposant sur des paramètres ajustés à la spécificité des captives de réassurance.

Une captive de réassurance peut être définie comme une structure d’auto-réassurance permettant à une entreprise de faire face aux risques auxquels elle est exposée. Sa création permet à une entreprise d’obtenir des offres d’assurance auprès d’assureurs professionnels puisqu’elle réassure elle-même une partie des risques couverts. Dans un contexte de tensions sur le marché assuranciel, il a été constaté une baisse de la capacité des assureurs en matière d’assurance contre les pertes d’exploitation représentant 90 % à 100 % du résultat alors que les tarifs ont augmenté de 30 % à 100 % et les franchises de 50 % à 100 %. Le constat est similaire pour l’assurance contre le risque cyber ou en matière de responsabilité civile.

À compter du 1er janvier 2023, pourra ainsi être constituée en franchise d’impôt, une provision « destinée à faire face aux charges afférentes aux opérations de réassurance acceptée, dont les risques d’assurance relèvent des catégories des dommages aux biens professionnels et agricoles, des catastrophes naturelles, de la responsabilité civile générale, des pertes pécuniaires, des dommages et des pertes pécuniaires consécutifs aux atteintes aux systèmes d’information et de communication et des transports mentionnées à l’article A. 3442 dudit code, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2022 ».

Seront visées les entreprises captives de réassurance détenues par une entreprise autre qu’une entreprise financière (au sens du 12° de l’article L. 3103 du Code des assurances) et ayant pour objet « la fourniture d’une couverture de réassurance portant exclusivement sur les risques d’entreprises autres que des entreprises financières ».

La limite dans laquelle les dotations annuelles à cette provision pourront être retranchées des bénéfices et celle du montant global de la provision seront fixées par décret, respectivement en fonction de l’importance des bénéfices techniques et de la moyenne sur les trois dernières années du minimum de capital requis au sens de l’article L. 352-5 du code des assurances.

La provision sera affectée, dans l’ordre d’ancienneté des dotations annuelles, à la compensation globale du solde négatif du compte de résultat technique de l’exercice pour l’ensemble des risques correspondants. Les dotations annuelles qui, dans un délai de quinze ans, n'auront pu être utilisées conformément à cet objet seront rapportées au bénéfice imposable de la seizième année suivant celle de leur comptabilisation.

Les risques ayant donné lieu à la constitution d’une telle provision ne pourront toutefois pas donner lieu à la constatation d’une provision pour égalisation (CGI, art. 39 quinquies G, I).

Enfin, les conditions de comptabilisation et de déclaration de ces provisions seront fixées par décret.

Le Gouvernement devra en outre remettre au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2025, une évaluation des principales caractéristiques des bénéficiaires de la franchise d’impôt, qui précise l’efficacité et le coût de celle-ci.

L’ÉCLAIRAGE DE NOS EXPERTS : FRÉDÉRIC MARTINEAU ET DELPHINE BRUNET

Les risques d’entreprise sont très diversifiés et certains d’entre eux, peuvent présenter un caractère exceptionnel, par leur intensité, leur fréquence ou leur nature. Ces risques ne sont pas toujours couverts en assurance traditionnelle, à des conditions considérées comme adaptées par les groupes, soit en raison des tarifs, soit en raison des limites de garanties. Le risque cyber est sans doute l’illustration la plus actuelle de cet état de fait.

Les groupes se tournent alors vers des solutions alternatives de couverture de leurs risques, parmi lesquelles les captives de réassurance constituent un outil indispensable. En Europe, le Luxembourg a mis en place un ensemble de règles prudentielles bien adapté à ces entités, en prévoyant notamment la constitution d’une provision pour fluctuation de sinistralité, permettant aux captives de réassurance, par nature peu diversifiées et de taille limitée, de constituer les réserves suffisantes pour faire face à leurs engagements en cas de survenance des sinistres qu’elles couvrent, le cas échéant avec l’aide de l’assureur direct tiers (dit « fronteur ») interposé entre le groupe assuré et sa captive.

Cette provision étant déductible de l’IS, l’administration fiscale française y voit un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du CGI, ce qui l’a conduit logiquement à faire application de l’article 209 B du CGI, à l’occasion de plusieurs contrôles fiscaux relativement récents.

Le texte adopté par le Parlement vise à donner aux entreprises une solution voisine de celle qu’elles sont allées chercher à l’étranger, en leur permettant de réserver par voie de provision, les sommes nécessaires à la couverture de certains sinistres. Outre son utilité pour les nouveaux programmes d’assurance, ce dispositif pourra également, en cas d’adoption définitive, conduire certains groupes à envisager de relocaliser en France leur captives de réassurance.


Taxe sur les services numériques (TSN) : précision sur le champ des services taxables (art. 30)

Les dispositions de l’article 299 du CGI, relatives à la taxe sur les services numériques, sont modifiées afin de tirer les conséquences de la décision du Conseil d’Etat du 31 mars 2022 ayant conduit à l’abrogation de plusieurs interprétations données par l’administration fiscale dans ses commentaires sur le champ de la TSN (n° 461058 ; Taxe sur les Services Numériques (TSN) : de bonnes nouvelles pour les groupes qui s’acquittent de la taxe sur les services numériques, Laurence Mazevet) :

1. Cantonnement strict de l’exclusion au bénéfice des prestations rendues entre sociétés du même groupe

Selon les commentaires administratifs en vigueur du 23 mars 2020 au 8 avril 2021, les services proposés par une société à une autre société du même groupe ne pouvaient bénéficier de l'exclusion du champ d'application de la TSN lorsque ce service était fourni à l'ensemble des entreprises clientes (BOI-TCA-TSN-10-10-10, n° 80). Néanmoins, ces commentaires ont été abrogés suite à la décision du Conseil d’Etat ayant jugé que les dispositions du dernier alinéa du 2° du II de l’article 299 du CGI excluent des services taxables l'ensemble des prestations de services fournies entre entreprises appartenant à un même groupe, sans qu'ait d'incidence la circonstance que ces prestations soient rendues dans le cadre d'un service taxable proposé également à des tiers.

La position administrative antérieure est légalisée. Il sera ainsi désormais prévu que l’exclusion des services fournis entre entreprises appartenant à un même groupe ne porte plus que sur les services exclusivement rendus aux entreprises du même groupe.

2. Champ d’application pour les jeux vidéo multi-joueurs et exception de fourniture de contenu numérique

Entre dans le champ d'application de la TSN la mise à disposition, par voie de communications électroniques, d'une interface numérique qui permet aux utilisateurs d'entrer en contact avec d'autres utilisateurs et d'interagir avec eux, notamment en vue de la livraison de biens ou de la fourniture de services directement entre ces utilisateurs (CGI, art. 299, II, 1°). Toutefois, la mise à disposition d'une interface numérique n'est pas un service taxable, lorsque la personne qui réalise cette mise à disposition utilise l'interface numérique à titre principal pour fournir aux utilisateurs des contenus numériques, des services de communications, des services de paiement. 

Les commentaires administratifs prévoyait à cet égard qu'était exclue du champ des services taxables la mise à disposition d'une interface numérique permettant la fourniture de contenus numériques lorsque les interactions possibles entre les utilisateurs de l'interface ne constituent qu'un accessoire de cette fourniture (BOI-TCA-TSN-10-10-20, n° 160). En conséquence, selon les commentaires administratifs énoncés au BOI-TCA-TSN-10-10-20, n° 170, pour que la fourniture du contenu soit considérée comme principale, les données devaient, d'une part, être directement exploitables par l'utilisateur (textes, images, vidéos, logiciels, etc.) et, d'autre part, ne pas être le simple support d'un autre service. Ainsi, n’était pas concernée par l’exclusion, la mise à disposition d’une interface numérique qui permet la fourniture des logiciels qui constituent eux-mêmes des interfaces numériques permettant aux utilisateurs d’interagir entre eux, notamment les jeux multi-joueurs en ligne.

Ces commentaires ont été abrogés par le Conseil d'Etat pour lequel la mise à disposition d'une interface numérique permettant aux utilisateurs d'entrer en contact avec d'autres utilisateurs et d'interagir avec eux figure, en principe, parmi les services retenus pour déterminer l'assiette de la taxe sur les services numériques. Tel n'est pas le cas lorsque la personne qui réalise cette mise à disposition utilise l'interface numérique à titre principal pour fournir aux utilisateurs des contenus numériques. Les commentaires administratifs, en restreignant le bénéfice de l'exclusion des services taxables aux seuls jeux proposant des interactions minimes entre les joueurs ou ayant pour principale fonctionnalité le jeu en solitaire, indépendamment du contenu numérique qu'ils proposent, ajoutent à la loi dont ils ont pour objet d'éclairer la portée. 

Il est ainsi désormais prévu que la mise à disposition d'une interface numérique n'est pas un service taxable lorsque les interactions entre les utilisateurs de l’interface présentent un caractère accessoire, au sens de l’article 257 ter du CGI, par rapport à la fourniture à ces utilisateurs, au moyen de cette interface, par la personne qui la met à disposition, des contenus numériques, des services de communications et/ou des services de paiement. Toutefois, s’agissant desdits contenus numériques, l’exclusion ne leur sera pas applicable lorsqu’ils constituent par eux-mêmes une interface numérique distincte de celle au moyen de laquelle ils sont fournis et relevant du champ de la TSN.

L’ÉCLAIRAGE DE NOTRE EXPERTE : LAURENCE MAZEVET

La réaction de l’administration fiscale à l’arrêt du Conseil d’Etat en faisant légaliser sa doctrine était attendue. Le texte intervient juste à temps pour soumettre les revenus de 2022 à ces nouvelles dispositions.

On en vient à regretter l’application uniforme de la TSN si le projet de Directive avait été adopté en 2019 : en effet, le projet de Directive prévoyait expressément l’exclusion de la base imposable des prestations intra-groupe sans distinguer si des prestations de même nature étaient également rendues à des tiers : cette exception est vidée de sa substance par la législation française et la nouvelle règle conduira mécaniquement à l’imposition multiple à la TSN d’une même transaction.

Par ailleurs l’amendement confirme l’inclusion dans le champ d’application de la TSN française de tout un pan de l’économie de jeux vidéo en ligne qui avait été expressément exclu dans le projet de Directive.

La France s’éloigne donc sensiblement du modèle de TSN européenne qui est appliqué par d’autres pays membres (Espagne, Italie, Autriche) et ces différences risquent encore une fois d’être la source de situations de doubles impositions.

Il reste une consolation pour les groupes soumis à la taxe qui peuvent encore déposer les réclamations pour la TSN versée au titre des années 2019, 2020 et 2021 lorsqu’ils ont appliqué la doctrine administrative jugée illégale par le Conseil d’Etat.


Apport-distribution : allègement des obligations de conservation de titres pour bénéficier d'un agrément de l'État (art. 25)

En cas d’apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité, l'attribution de titres représentatifs aux membres de la société apporteuse n'est pas considérée, sous certaines conditions, comme une distribution de revenus mobiliers imposable (CGI, art. 115, 2). Il en va de même, sur agrément, lorsque l'apport partiel d'actif n'est pas représentatif d'une branche complète d'activité ou lorsque la condition tenant à ce que la société apporteuse dispose encore au moins d'une branche complète d'activité après la réalisation de l'apport, n'est pas remplie (CGI, art. 115, 2 bis). Cet agrément est délivré par l’Administration sous réserve du respect de certaines conditions, parmi lesquelles la justification économique de l’attribution des titres, se traduisant notamment par une association entre les parties formalisée par un engagement de conserver les titres de la société apporteuse pendant trois ans qui doit être pris notamment par les associés qui détiennent 5 % au moins des droits de vote de la société apporteuse.

Cette obligation de conservation ne sera plus requise pour les actionnaires qui détiennent dans la société apporteuse, à la date d’approbation de l’apport, 5 % au moins des droits de vote si les conditions suivantes sont remplies :

■    la société apporteuse n’est pas contrôlée par un actionnaire ou un groupe d’actionnaires agissant de concert au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce,

■    les actions de la société apporteuse sont admises aux négociations sur un marché réglementé français ou européen,

■    l’actionnaire détenant 5 % au moins des droits de vote de la société apporteuse n’exerce pas une influence notable sur la gestion de cette dernière au sens de l’article L. 233-17-2 du Code de commerce.​​​​​​​

CONTRÔLE ET CONTENTIEUX

Contrôle des comptes financiers et des contrats de capitalisation ou des placements de même nature souscrits auprès d'organismes établis hors de France (art. 90)

Lorsque l'obligation de déclaration des comptes financiers ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger ou de déclaration des contrats de capitalisation ou des placements de même nature souscrits auprès d’organismes établis hors de France (CGI, art. 1649 AA et 1649 A, al. 2) n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'Administration peut demander à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie (LPF, art. L. 23 C).

Afin d’assurer la coordination entre l’étendue de l’obligation déclarative, qui porte sur les contrats de capitalisation ou des placements de même nature, et celle du pouvoir de contrôle de l’Administration, qui se limite quant à elle aux seuls contrats d’assurance-vie, le pouvoir de contrôle de l’Administration est étendu, en cohérence, aux contrats de capitalisation ou des placements de même nature (mesure adoptée en 1e lecture à l’Assemblée nationale).

A défaut de réponse dans le délai de 60 jours, le patrimoine d’origine occulte est présumé, jusqu’à preuve du contraire, avoir été reçu à titre gratuit et est taxé d'office aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 % (taux le plus élevé applicable aux mutations entre personnes non parentes). Les droits sont calculés à partir de la valeur la plus élevée connue de l'Administration du compte ou du contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées (CGI, art. 755).

Par mesure de cohérence, cette mesure de taxation d’office est étendue aux contrats détenus à l’étranger au sens du 2e alinéa de l’article 1649 A du CGI et aux contrats de capitalisation ou aux placements de même nature souscrits à l’étranger au sens de l’article 1649 AA, s’agissant de l’application du taux de droits de mutation à titre gratuit le plus élevé lorsque le contribuable n’a pas justifié l’origine de certains avoirs détenus à l’étranger (CGI, art. 755).

FISCALITÉ DES PARTICULIERS

Aménagement du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu : amélioration de la contemporanéisation et simplification pour les employeurs étrangers (art. 3)

Afin de supprimer le décalage d’une année entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt sur le revenu correspondant, le législateur a instauré, depuis le 1er janvier 2019, un prélèvement à la source, contemporain de la perception des revenus (CGI, art. 204 A).

Deux « améliorations » du mécanisme du prélèvement à la source sont introduites :

■    Abaissement de 10 % à 5 % du seuil d’écart à partir duquel un contribuable est autorisé à moduler à la baisse le montant de son prélèvement (à compter du 1er janvier 2023)

Le montant du prélèvement peut être modulé à la hausse ou à la baisse sur demande du contribuable (CGI, art. 204 J, I). Pour l’heure, la modulation à la baisse du prélèvement n'est toutefois possible que si « le montant du prélèvement estimé par le contribuable au titre de sa situation et de ses revenus de l'année en cours est inférieur de plus de 10 % au montant du prélèvement qu'il supporterait en l'absence de cette modulation » (CGI, art. 204 J, III, 1).

A compter du 1er janvier 2023, le seuil d’écart permettant la modulation à la baisse sera abaissé à 5 %.

■    Simplification des modalités de mise en œuvre du prélèvement à la source sur les salaires de source française versés par un employeur étranger à un résident de France ne relevant pas d’un régime obligatoire de sécurité sociale français

Les salaires tirés d’une activité exercée en France par un contribuable fiscalement domicilié en France pour le compte d’un employeur étranger sont en principe imposables en France où ils sont soumis à une retenue à la source (CGI, art. 204 B ; BOI-IR-PAS-10-10-10, n° 60). Les collecteurs tenus d’effectuer la retenue à la source doivent déclarer chaque mois à l’Administration des informations relatives au montant prélevé sur le revenu versé à chaque bénéficiaire (CGI, art. 87-0 A et art. 39 C, Annexe III au CGI ; BOI-IR-PAS-30-10-30-10). Il s’agit ici de la DSN ou de la déclaration PASRAU.

À compter du 1er janvier 2023, ces salaires de source française ne seront plus soumis au régime de la retenue à la source mais relèveraient du prélèvement à la source selon le système de l’acompte, lorsque ces revenus sont versés :

■    par un employeur établi hors de France dans un État membre de l’UE ou dans un autre État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement et qui n’est pas un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A ;

■    à des salariés qui, par application de l’article 13 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, ne sont pas à la charge, pour les périodes au titre desquelles ces revenus sont versés, d’un régime obligatoire français de sécurité sociale ou à des salariés qui sont à la charge, d’un régime obligatoire français de sécurité sociale en application des dispositions du I de l’article L. 380-3-1 du Code de la sécurité sociale. Sont plus particulièrement visés les frontaliers résidents de France recourant de façon accrue au télétravail.

À noter, lors de l’examen du texte au Sénat, un amendement de précision a été adopté à l’initiative du Gouvernement afin de recentrer le champ de cette mesure sur « sur les seules situations de pluriactivité en Europe, dans lesquelles se trouvent les salariés résidents fiscaux français d’employeurs situés dans d’autres Etats membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou en Suisse exerçant ponctuellement une partie de leur activité en France, notamment en recourant au télétravail » (i.e. situations visées par l’article 13 du règlement européen portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale).

Ces employeurs seront soumis à une obligation spéciale de déclaration des informations relatives au montant net imposable à l’impôt sur le revenu de ces revenus, déterminé dans les conditions prévues à l’article 204 F du CGI, à une date fixée par arrêté du Ministre chargé du budget. Ces déclarations devront être transmises à l’administration fiscale par procédé informatique.

Cette modification du mode de recouvrement vise à résoudre les difficultés administratives des employeurs étrangers ayant des salariés résidents de France qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français. N’ayant aucune obligation sociale en France (par exemple en cas d'exercice d'une activité non-substantielle, notamment en cas de télétravail par des frontaliers), ces employeurs n’ont en effet pas recours au canal déclaratif en matière sociale, qui est le même qu’en matière fiscale.

En cas de non-respect de l’obligation déclarative prévue, les déclarants seront soumis à une amende qui, sans pouvoir être inférieure à 500 € ni supérieure à 50 000 € par déclaration, serait égale à :

■    5 % des sommes qui auraient dû être déclarées, en cas d’omissions ou d’inexactitudes ;

■    10 % des sommes qui auraient dû être déclarées, en cas de non-dépôt de la déclaration dans les délais prescrits ;

Cette amende ne sera toutefois pas applicable, en cas d’absence d’infraction au cours des trois années précédant celle au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite, lorsque l’intéressé a réparé son erreur spontanément avant la fin de la même année.

Dispositif Madelin : prorogation du taux majoré jusqu’au 31 décembre 2023 (art. 17)

Le dispositif dit « Madelin » permet aux personnes physiques résidentes de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu au titre des souscriptions au capital de PME non cotées, retenues dans une certaine limite (CGI, art. 199 terdecies-0 A).

La LF 2018 l’avait renforcé, de façon temporaire, en portant son taux de 18 % à 25 % du montant des versements effectués (art. 74). Ce taux majoré prorogé à plusieurs reprises s’applique actuellement aux souscriptions réalisées jusqu’au 31 décembre 2022 (LFR 2021, art. 19 ; Décret n° 2022-371 du 16 mars 2022). Il est à nouveau prorogé pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2023.

Cette prorogation s’appliquera aux versements effectués à compter d’une date fixée par décret, qui ne peut être postérieure de plus de deux mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer la disposition lui ayant été notifiée comme étant conforme au droit de l’Union européenne.

À noter, le taux de la réduction d’impôt prévue en faveur des souscriptions au capital des entreprises d’utilité sociale (ESUS), aligné sur celui du dispositif IR-PME, sera également prorogé jusqu’au 31 décembre 2023 (CGI, art. 199 terdecies-0 AA). Par ailleurs, le taux majoré de la réduction d’impôt prévue en faveur des souscriptions au capital des foncières solidaires sera également prorogé pour les versements effectués jusqu’à la même date (CGI, art. 199 terdecies-0 AB ; loi de finances pour 2020, art. 157, IV).

Le Gouvernement devra remettre au Parlement, avant le 30 septembre 2023, un rapport d’évaluation des dispositifs prévus aux articles 199 terdecies-0 A, 199 terdecies-0 AA et 199 terdecies-0 AB. Ce rapport devra identifier et évaluer les pistes d’évolution pour renforcer le soutien aux fonds propres des entreprises visées par ces dispositifs.

Crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile : obligation pour le bénéficiaire de renseigner les activités de service à la personne au titre desquelles il a engagé des dépenses éligibles (art. 18)

Le contribuable devra désormais indiquer, dans sa déclaration de revenus, les services (définis à l’article D. 7231-1 du Code du travail) au titre desquels les sommes versées pour l’emploi d’un salarié à domicile ont été versées.

Rehaussement de 2300 € à 3500 € par enfant à charge le plafond du crédit d’impôt pour frais de garde d’enfants de moins de six ans (art. 20)

  

Prorogation d’un an de l’exonération de forfait social sur l’abondement versé en complément des versements personnels des salariés (art. 107)

En principe, les abondements de l’employeur aux plans d’épargne salariale sont assujettis au forfait social au taux de 20 % (CSS, art. L. 137-15 et L. 137-16). Par dérogation, pour les années 2021 et 2022, les abondements de l'employeur complétant les versements volontaires du salarié sur un plan d'épargne entreprise pour acquérir des actions ou des certificats d'investissement émis par l'entreprise ont temporairement été exonérés du forfait social (loi de finances pour 2021, art. 207, II).

Cette exonération est prorogée d’un an (pour l’année 2023).

AUTRES MESURES

Instauration d’une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçue dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes (art. 75)

Afin de créer une recette fiscale affectée au financement de la part « collectivités » du projet de la « Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur », une taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement, perçue dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes est instaurée. Sous certaines adaptations, cette taxe sera calquée sur la taxe sur les bureaux en Ile-de-France (CGI, art. 231 ter). Elle s’appliquera à compter des impositions établies au titre de l’année 2023.

Taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement perçues dans la région Ile-de-France : exonération des terrains de sport extérieurs contribuant à l’activité du local commercial auquel ils sont attenants (art. 101)

Cette exonération entrera en vigueur à compter des impositions dues au titre de l’année 2023.

Cession de tout ou partie de l’entreprise individuelle : précisions du régime fiscal applicable en matière de droits de mutation (art. 23)

Pour l’application des droits de mutation, seront assimilées à des cessions de droits sociaux, les cessions d’entreprises individuelles ou d’entreprises individuelles à responsabilité limitée ayant opté pour l’impôt sur les sociétés (l’option pour l'assimilation à une EURL valant option pour l’impôt sur les sociétés).

Mesures de prorogation de crédits d’impôt

 

Dispositifs Date d'extinction initiale Date d'extinction prorogée Base Légale Article PLF
Crédit d’impôt au titre des dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections 31 décembre 2022 31 décembre 2024 CGI, art. 244 quater B, I, h et i 42
Crédit d’impôt pour certains investissements réalisés et exploitées en Corse 31 décembre 2023 31 décembre 2027 CGI, art. 244 quater E 43
Crédit d’impôt pour la formation du dirigeant 31 décembre 2022 31 décembre 2024 CGI, art. 244 quater M 46
Réduction d’impôt au titre des investissements en outre-mer portant sur des travaux de réhabilitation et de confortation de logements anciens 31 décembre 2023 31 décembre 2029 CGI, art. 199 undecies A 13
Réduction d'impôt à raison des investissements productifs neufs en outre-mer dans des entreprises exerçant une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale 31 décembre 2025 31 décembre 2029 CGI, art. 199 undecies B 13
Réduction d’impôt au titre de l’acquisition ou de la construction de logements sociaux outre-mer 31 décembre 2025 31 décembre 2029 CGI, art. 199 undecies C 13
Déduction fiscale au titre des investissements en outre-mer 31 décembre 2025 31 décembre 2029 CGI, art. 217 undecies 13
Crédit d'impôt pour investissements productifs neufs en outre-mer 31 décembre 2025 31 décembre 2029 CGI, art. 244 quater W 13
Crédit d'impôt pour investissement dans le logement social en outre-mer 31 décembre 2025 31 décembre 2029 CGI, art. 244 quater X 13
Réduction d’impôt en faveur des investissements réalisés dans les collectivités d’outre-mer 31 décembre 2025 31 décembre 2029 CGI, art. 244 quater Y 13
Crédit d'impôt pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale 31 décembre 2023 31 décembre 2022 (extinction anticipée) CGI, art. 200 sexdecies 21
Exonérations temporaires des plus-values immobilières en faveur du logement social 31 décembre 2022 31 décembre 2023 CGI, art. 150 U, II, 7° et 8° 7
Exonération des plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux d’un droit de surélévation 31 décembre 2022 31 décembre 2024 CGI, art. 150 U, II, 9° 7
Réduction d’impôt « Malraux » : volets en faveur des immeubles situés dans un quartier ancien dégradé ou dans un quartier présentant une concentration élevée d’habitat ancien dégradé et faisant l’objet d’une convention pluriannuelle dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain 31 décembre 2022 31 décembre 2023 CGI, art. 199 tervicies, I, 2° et 2° bis 19
Crédit d’impôt en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments à usage tertiaire affectés à leur activité Eteint Dépenses exposées entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2024 Loi de finances pour 2021, art. 27 51
Déduction pour Epargne de Précaution (DEP) 31 décembre 2022 31 décembre 2025 CGI, art. 73 ; Loi de finances pour 2019, art. 51 49
Crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles disposant d’une certification haute valeur environnementale (HVE) 2022 2023 Loi de finances pour 2021, art. 151 53
Crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles qui n’utilisent pas de glyphosate 2022 2023 Loi de finances pour 2021, art. 140 52
Critères assouplis liés au nombre et au lieu de représentations pour bénéficier du crédit d’impôt spectacle vivant 31 décembre 2022 31 décembre 2023 CGI, art. 220 quindecies ; Loi de finances pour 2021, art. 23 50
Crédit d’impôt pour dépenses d’adaptation audiovisuelle de spectacles 31 décembre 2022 31 décembre 2024 CGI, art. 220 sexies, III, al. 13 38
Déduction artiste vivant 31 décembre 2022 31 décembre 2025 CGI, art. 238 bis AB 41

AUTEURS

Delphine Brunet
KPMG Avocats